Après 3 décennies de réparation des désordres extérieurs de la collégiale Saint-Martin (sur la toiture et les façades) et plusieurs diagnostics très poussés, la restauration intérieure de l’édifice a enfin débuté en juin dernier. Jusqu’en mars 2026, trois tranches de travaux rendront leur éclat à la nef centrale et à la nef nord, sous le contrôle technique et scientifique de la Drac-Paca. On vous explique en détail !

On est frappé, quand on pénètre dans la collégiale depuis le début de l’été, par son aspect méconnaissable, en raison de la présence dans la nef centrale, jusqu’au plafond et dans la coupole, de l’échafaudage monumental qui permet aux restaurateurs d’intervenir sur l’ensemble des parements et des décors.

Les visiteurs et les fidèles constataient depuis longtemps l’aspect très sombre de l’intérieur de l’église, résultant de son encrassement par les poussières et les suies de bougies depuis 200 ans. Ils constataient aussi la disparition des décors peints, liée elle aux infiltrations des eaux pluviales par le toit et les façades, aux remontées capillaires du sol entrainant la migration de sels en surface de la pierre, et enfin, bien sûr, à l’usure du temps.

« Les travaux réalisés par la ville jusqu’en 2018 ont résolu les causes des infiltrations d’eaux pluviales », retrace Vincent Oulet, adjoint au maire chargé des travaux et des marchés publics. « En parallèle, en 2008, en 2015 et en 2018, trois diagnostics d’ampleur ont permis d’établir avec une grande précision l’étendue des dommages et les techniques à employer pour les réparer, afin de redonner à la collégiale son aspect d’antan. »

Après encore quelques années nécessaires pour obtenir la validation de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac-Paca) et les financements ad hoc, puis pour lancer les marchés avec les longues démarches administratives que cela implique, la restauration intérieure a pu débuter mi-2024, sous le pilotage du cabinet d’architectes du patrimoine RL & Associés, mandataire du groupement de maîtrise d’oeuvre comprenant divers prestataires (bureaux d’études, économiste…).

Nettoyage de précision

C’est l’entreprise avignonnaise Girard qui se charge du nettoyage des parements, avec une approche très fine et sélective, par brossage sur certaines zones, et au laser pour d’autres, comme dans la coupole. « Ce procédé sélectif permet d’avoir un nettoyage de précision tout en conservant le calcin de la pierre, qui est une couche protectrice naturelle des pierres de taille », souligne Vincent Oulet.

L’entreprise procède également à la réfection des joints et des zones manquantes, avant d’appliquer des patines dont les couleurs diffèrent selon les emplacements. Pour ces eaux fortes, des tests préalables ont bien sûr été seffectués pour trouver le meilleur rendu et la meilleure harmonisation.

Au bas des piles, des tests sont actuellement en cours pour essayer de trouver une solution à la problématique de capillarité, notamment par un système permettant l’inversement de polarité et éviter ainsi les remontées d’humidité.

Les couleurs retrouvées

La société spécialisée SMBR s’occupe elle de la restauration des décors peints. Après une phase d’époussetage et de nettoyage de ceux-ci, qui à elle seule a permis de retrouver les couleurs et les contrastes d’origine, l’entreprise procède désormais à un « masticage » et à l’application d’un enduit de finition, pour retrouver la planéité du support, en mettant les zones lacunaires (où les décors ont disparu) au niveau de la couche picturale.

Commencera alors la restitution des parties altérées. « De nombreux décors en motif sont en cours de restitution, notamment par une technique de pochoirs sur l’arc triomphal de la nef centrale », explique Gabriel Colombet, adjoint au maire chargé de la culture et du patrimoine. « Après reproduction du pochoir, le travail consiste à reporter le motif dans les zones manquantes. La déontologie des restaurateurs est de garder le plus possible le décor originel. Il s’agit d’une restauration respectueuse et toujours réversible. »

Cécile et Lydie, deux restauratrices de SMBR, partagent avec passion les techniques employées. « Grâce à l’analyse des pigments utilisés par les anciens, nous pouvons employer des méthodes très similaires, pour un rendu aussi proche que possible de l’original. Selon les emplacements, les décors ont été réalisés à l’eau (technique de la détrempe, à la chaux et aux pigments) ou à l’huile avec métallisation. Chose extrêmement rare dans cette église, voire unique, les parties métallisées ont été réalisées selon trois techniques différentes, à la feuille d’or, d’argent et d’étain. »
Dans d’autres endroits, les peintures se soulèvent en écailles picturales ; leur refixage, pour les remettre en plan, se fait au moyen d’un film adhésif adapté.

« Tout spectaculaire qu’elle soit, la restauration intérieure ne s’arrête pas à celle des parements et des décors peints », précise Gabriel Colombet. « Tranche après tranche, les travaux consistent également à réparer les vitraux cassés, à reprendre les sols (réparation ou remplacement de dalles en pierre), à refaire les saignées non conformes dans les murs, et à renouveler les réseaux électriques et les appareillages, notamment pour le chauffage et l’éclairage. » Les vitrages du puits de lumière de la coupole seront également remplacés.

C’est donc un travail de fond en comble qui est mené, étape par étape et avec une grande minutie, dans cet édifice emblématique de la commune auxquels les Saint-Rémois sont très attachés. À la fin de ces trois premières tranches, en 2026, il restera encore plusieurs années de travail pour que l’ensemble de la restauration soit achevée (nef sud, choeur, piliers…).

Pour Gabriel Colombet, « il faut prendre conscience que le chantier qui est mené en ce moment est historique, et prépare notre collégiale à traverser les prochains siècles. Il a fallu du temps pour l’engager, et il en faudra encore pour l’achever. Mais le temps n’est pas un problème ; c’est aussi un ingrédient essentiel au succès de l’opération. »

Montant des travaux (pour les 3 premières tranches) : environ 2 millions d’euros HT
Financement État (Drac-Paca) : 38%

(Cet article est paru dans le Journal de Saint-Rémy-de-Provence n°82)

L’orgue protégé

Pour toute la durée des travaux, certaines parties de l’orgue de la collégiale (flûtes) ont été déposées. Un stockage spécifique en bois a été réalisé sur site afin de les entreposer séparément de manière verticale.

Lors de la 2e tranche, un échafaudage bâché et étanche à l’air sera installé devant et au-dessus de l’orgue pour atteindre le haut de la nef centrale. L’objectif est de le protéger à la fois des chocs et des poussières, et d’assurer son intégrité grâce également à un système de ventilation et de contrôle de l’hygrométrie.