An Irish Story était l’un des spectacles les plus attendus de cette saison 2020/2021 !

Étant donné que la date de report est très lointaine (le 17 novembre 2022…), nous avons récolté quelques jolis témoignages d’amoureux de l’Irlande, suite à notre appel écrivez-nous une “carte postale d’Irlande” que nous avons lancé le 15 mars dernier et nous vous en remercions :

Une contribution très spéciale de la part de notre ancienne élue à la culture Patricia Laubry qui a découvert ce panneau lors d’un séjour proche des îles d’Aran en Irlande. Merci Patricia !

Le récit de Francine

L’histoire de l’Irlande est faite d’une multitude d’histoires, avec ses tragédies, ses luttes mais aussi ses joies, ses chansons, ses poètes, son théâtre et toujours cet amour de la vie qui en a fait une nation de « Happy People », fêtards et généreux.
Elle a aussi son Histoire avec un grand H, et après avoir été une terre colonisée, un pays en guerre,  une terre d’exil aussi, elle est maintenant une terre d’accueil et de rencontres. Européenne à fond et entretenant toujours une amitié franco-irlandaise que l’Histoire, son Histoire, a forgé .
Il y a toujours une histoire, inattendue, au détour d’un chemin, pour ceux qui viennent découvrir cette belle île, le temps d’une escapade touristique ou d’une année universitaire, et les Irlandais sont tellement fiers de pouvoir nous la faire connaitre ! Avec ses paysages sauvages à couper le souffle, ses villages multicolores qui enjolivent les jours de ciel gris, ses pubs chaleureux et musicaux et ses conteurs d’histoires, tantôt pleines d’un humour espiègle tantôt baignées de nostalgie.
Aujourd’hui je voudrais vous raconter la magie de certaines rencontres lors de l’un de mes premiers séjours là bas, comme vous pourrez en vivre aussi si vous y allez… pardon, je voulais dire: quand vous irez !

Un jour, donc, je pars pour un nouveau séjour estival dans le comté de West Cork sur la côte sud-ouest de l’Irlande. Je viens de lire McCarthy’s Bar écrit par Pete McCarthy, un périple dans la Péninsule de Beara à la pointe sud-ouest du pays. Un livre plein d’humanité, d’humour et d’aventures, à l’image du pays. Donc j’en fais mon but de voyage et je le commence par un bus de Cork à Clonakilty.

Le bus traverse des villages multicolores, et une campagne verdoyante avec ici et là une vieille abbaye, des vaches au milieu d’écrins de verdure ou des moutons à tête noire. Les passagers sont de tout âge et de toute nationalité, des jeunes avec sacs à dos pour la plupart mais aussi quelques mamies à la bonhommie souriante.
L’une d’elle vient s’asseoir près de moi et de suite la conversation s’engage. “Beautiful day, isn’t it?” me dit-elle. Et elle poursuit, avec cet accent délicieux du terroir : “On holiday, are ya?” , ponctuant chacune de mes réponses d’un “Grand!” typiquement irish et qui signifie « Super ! » Et moi ce que je trouve super, à cet instant-là, c’est qu’une inconnue qui croise des touristes dans ce bus à chaque retour de marché arrive encore à se montrer intéressée et curieuse de tout… d’où je viens, ce que je fais dans la vie, si j’ai des enfants, etc. Je retrouve d’un coup l’atmosphère conviviale de ce pays et je sais que je ne suis plus en France. Le ton de mon voyage est donné !

Quand j’arrive à Clonakilty, je suis accueillie par le festival de couleurs des façades… roses, jaunes, mauves… par les devantures de pubs qui regorgent de fleurs dégoulinant des vasques et cet endroit me met de suite à nouveau du baume au cœur.
Dans un pub où je m’arrête pour déjeuner, les photos accrochées au mur, celles du héros local Michael Collins (un combattant pour l’indépendance du pays obtenue en 1922), rappellent que si beaucoup de choses ont changé depuis ses années de tourmentes, l’Histoire avec un grand H est toujours présente dans le cœur des Irlandais. De même que la musique, omniprésente sur cette île, et présente ici avec des instruments de musique accrochés au mur autour d’un bric-à-brac d’objets de brocante. Elle sera là à nouveau le soir avec la session de musique traditionnelle où, bien sûr, je serai.

Les musiciens arrivent et s’installent autour d’une table, avec leurs instruments… et aussi une pinte de Guinness ! Tous les instruments traditionnels sont là : guitare, banjo, accordéon diatonique, violon folk (le fiddle), tambourin en peau de chèvre (le bodhran), et flûte en laiton (tin whistle).  Devant eux un espace est laissé libre pour les jeunes filles qui doivent venir y faire une démonstration d’irish dancing.
Lorsqu’elles arrivent, toutes habillées de vert et en ballerines noires, je vois alors un visage qui m’est familier… Je n’en crois pas mes yeux ! Cette adolescente, je l’avais rencontrée sur une île à la pointe du pays, 3 ans auparavant !

Nous étions sur un petit bateau qui faisait la navette pour Cape Clear Island, une île sauvage et magnifique. Moi avec mes copines et elle avec sa maman qui, nous entendant parler français, ne tarde pas à nous adresser la parole, et, de fil en aiguille, nous voilà toutes parties ensemble à explorer les chemins de l’île. La fillette, 8 ou 9 ans à l’époque, porte un nom gaélique : Meadhbh… orthographe compliquée qui se prononce tout simplement Maeve. Beaucoup de prénoms ont été anglicisés mais pas tous. Et le gaélique reste omniprésent en Irlande, tout panneau signalétique est écrit dans les 2 langues et tous les jeunes apprennent le gaélique à l’école jusqu’au bac.

Je retrouve donc Meadhbh dans ce pub, avec toujours ses yeux verts au regard un peu espiègle comme l’ont d’ailleurs beaucoup d’enfants en Irlande. Et aussi la même chevelure flamboyante, comme sa maman assise un peu plus loin et qui m’aperçoit alors quand je parle à sa fille… Exclamations, rires, embrassades, présentation aux amis… Je n’en reviens pas !

Ce sera une soirée mémorable, une parmi tant d’autres, ambiance garantie pure irish : musique et Guinness, musique trad puis chansons folk que tout le monde, jeunes et moins jeunes, accompagnent en tapant des mains et en chantant, c’est à qui va offrir une bière à l’autre, on parle beaucoup aussi et on rit… Bref, la vie est belle ! Quand la musique s’arrête et que le pub va fermer, Gerardine, la maman, me dit alors :”Listen Francine, it would be lovely if you came to our place tomorrow, the house is big, you can stay with us, that would be grand !” Autrement dit je suis invitée à venir séjourner chez eux dès le lendemain, ils seraient ravis… Et moi donc!
Affaire conclue ! Et le lendemain Gerardine vient me chercher à mon B&B.
Quand je repense à tout cela maintenant, en cette période terrible que nous vivons, et où le lien humain vivant nous manque tant, j’en ai presque les larmes aux yeux…

Alors j’ai découvert leur petit paradis, au bout d’une trentaine de kilomètres sur des petites routes bordées de fuchsias et longeant l’océan. De loin j’aperçois, au bout d’une langue de terre verte, une immense plage de sable blanc et quelques surfeurs. Ce sera aussi la vue depuis ma chambre pendant 3 jours. Magique !
Francis, le père, est agriculteur, c’est aussi un bavard et un blagueur invétéré, et je me fais un plaisir d’enfiler des bottes en caoutchouc pour aller les aider à ramasser des carottes.

Carottes que je retrouverai le soir au dîner ; je n’en ai jamais mangé d’aussi goûteuses ! Avec en plus de l’agneau qui fond sous la dent, et pour me souhaiter la bienvenue, Francis a ouvert une bouteille de Bordeaux !
Quel bonheur d’être là, avec ces gens chaleureux qui cherchent toujours à faire plaisir, et Meadhbh est ravie de pouvoir pratiquer un peu avec moi le français qu’elle apprend en classe. J’apprends aussi beaucoup de choses sur les problèmes des agriculteurs en Europe, sur la situation de la pêche, et eux me questionnent sur Sarkozy… Tout cela assaisonné d’un humour pétillant typiquement irish !

Le lendemain, on m’emmène découvrir la Péninsule de Beara. On longe de petites criques clairsemées de barques de pêcheurs, et la végétation devient de plus en plus luxuriante à mesure qu’on se rapproche de Glengariff, port balayé par le Gulf Stream.
Puis, pause à Castletownbere où j’invite mes hôtes à déjeuner dans un pub. C’est alors que j’aperçois une enseigne qui me fait m’arrêter… Encore un hasard ou bien la magie irlandaise qui perdure ?

Cette devanture rouge, ces lettres blanches :”Mc Carthy’s Bar”, entre 2 énormes vasques de géranium et de pétunias… N’est ce pas la couverture du livre de Pete Mc Carthy, j’en suis quasiment sûre même si ce nom est très courant en Irlande, je reconnais ce pub !
Cela m’est confirmé par la gérante du lieu, en fait une épicerie avec en arrière boutique un comptoir où s’accoudent quelques papys. C’est là que venait régulièrement cet écrivain, et c’est bien ce lieu qu’il a choisi pour illustrer son livre. Gerardine me prend en photo sur un banc de la terrasse, là où avait posé l’écrivain pour la couverture de son livre… La boucle est bouclée ! Et plus tard j’offrirai le livre à Gerardine.

Cette irish story illustre l’une des caractéristiques attachantes de l’Irlande : un pays où se croisent les routes, toujours une surprise au détour du chemin, un paysage ou bien des gens, des gens qui prennent leur temps, qui s’arrêtent pour vous parler, pour vous connaitre, un pays où le temps semble parfois être au ralenti et ça fait drôlement du bien.

Cet article a été modifié pour la dernière fois le 16 novembre 2022 à 12:03